Les Fantômes

Les fantômes. Vous êtes-vous déjà demandé s’ils existaient ? S’ils erraient sur Terre en quête de vérité ? À la recherche de la rédemption ? Ou tout simplement pour conclure une histoire inachevée ?
Bien qu’invisibles et immatériels pour nombre d’entre nous, ils sont nombreux à errer sur Terre. Laissez-moi vous rapporter les faits.

On compte quatre familles différentes.

Les Damnés

Les plus inoffensifs sont les « Damnés. Bloqués dans une boucle temporelle, ils semblent condamnés à revivre les derniers instants de leur vie. Pourquoi ? Cela reste encore un mystère. Ce sont des ombres qui rôdent, totalement inconscientes de ce qui les entoure.
Même s’ils sont invisibles à l’œil nu, ils peuvent apparaître sur des photographies ou des vidéos prenant la forme d’une fumée blanche. Pour les plus empathes d’entre nous, il est possible de ressentir les sentiments qui les hantent : détresse, tristesse, rage ou colère.

[…] Un cri perçant, empli de désespoir, avait brisé le silence des lieux, mais personne autour de moi ne semblait l’entendre. J’ai aperçu, au centre du groupe d’élèves, une silhouette nuageuse aux allures de jeune femme. Elle portait une grande robe blanche, un tablier noir et un bonnet. Elle m’avait regardé, et dans ses yeux se lisait un mélange de colère et de tristesse. Elle s’était doucement dirigée vers le bord de falaise pour s’y laisser tomber. Je me suis alors précipitée pour lui venir en aide, mais un professeur m’a retenue et m’a ramenée sur le chemin de terre. À ce moment précis, une multitude d’émotions m’a envahie : la peur, la tristesse, la solitude, les remords… Je suis tombée à genoux, le cœur lourd, incapable de retenir mes larmes. Recroquevillée sur le sol, je suis restée sans bouger pendant des heures, inconsolable, entourée par les professeurs et les élèves de ma classe impuissants face à mon désespoir. Le chaos avait envahi mon esprit.

Sarah Chevalier

Les Pleurnichards

Les plus pénibles sont les « Pleurnichards ». Ces fantômes sont conscients de leur sort, de la réalité, mais ils la refusent en bloc. Ils hantent les lieux qu’ils leur étaient familiers de leur vivant, à la recherche de réponses. La plus importante : pourquoi tout le monde les ignore ! Ils sont d’ailleurs à l’origine de nombreux phénomènes étranges : des objets qui se déplacent ou qui disparaissent, des portes qui claquent et même des voix effrayantes. Dans un accès de rage, ils sont capables de faire trembler toute une maison. Ils restent invisibles pour le commun des mortels et il est impossible de les photographier.

[…] Jusqu’à ma rencontre avec Catherine Menflis. Si seulement, je m’étais contenté de passer mon chemin, de l’ignorer… Mais j’avais besoin de me prouver que je n’étais pas folle, quitte à prendre le risque d’être suivie et harcelée ! Une semaine complète en compagnie de cette charmante jeune femme et de ses incessantes questions fut un excellent baptême. Après quelques recherches sur Internet, j’avais découvert la triste vérité. Catherine avait perdu la vie dans un accident de voiture, le 15 juillet 2015. Elle rentrait de soirée avec des amis… Un stop grillé… Un camion en face… Seul l’un d’entre eux avait survécu. J’avais espéré pouvoir l’aider à comprendre et accepter sa mort, mais elle a refusé de me croire. Fatiguée de ses questions et autres accusations, je l’ai tout simplement ignorée dans l’espoir qu’elle disparaisse, ce qu’elle avait fini par faire. Je pris alors conscience, pour la première fois, de ma solitude. Ce silence, si pesant, me faisait presque regretter sa compagnie… Et l’idée de ne pas être la fille dérangée que tout le monde montrait du doigt me réchauffait le cœur. Alors malgré toute l’exaspération que ces pleurnichards faisaient naître en moi, il m’était difficile de ne pas ressentir du soulagement lorsque soudain, ils m’apparaissaient. 

Sarah Chevalier

Les Démons

Les plus effrayants sont les « Démons ». Des esprits emplis d’une colère immense et d’une perversion inhumaine qui n’ont jamais eu de vie terrestre physique auparavant. Ce sont de véritables monstres qui n’ont qu’une seule obsession : nous effrayer et nous faire littéralement mourir de peur. Ce sont les seuls qui se laissent voir et pour cela, ils préfèrent soigner leur mise en scène : souffle glacé, lumière clignotante, parquet qui craque, porte claquée, poubelle renversée, etc.  De quoi vous faire faire des cauchemars !

C’est au détour d’une ruelle sombre que j’ai fait la rencontre de l’être le plus horrible… empli d’une colère immense et d’une perversion inhumaine. Un grognement étrange, suivi d’un bruit métallique sourd, m’avait fait sursauter. Par réflexe, je m’étais retournée, pensant voir un clochard déambuler derrière moi, mais il n’en était rien. La rue était déserte. Quand soudain, une ombre étrange flottant au-dessus du bitume abîmé s’était dessinée. Elle s’était déplacée doucement vers moi, et avait relevé lentement la tête dévoilant un visage traversé d’un rictus terrifiant. Mais il ne m’était pas adressé. La créature semblait tout simplement se délecter de la situation, de l’effroi qu’elle pouvait provoquer chez sa proie. J’avais pu lire dans son regard le désir de me voir littéralement mourir de peur. Les quelques poubelles et ordures autour de moi s’étaient mises à voler et vinrent heurter les murs. Les chiens des alentours s’étaient mis à hurler. Une brise glacée s’était engouffrée dans la ruelle, faisant voler mes cheveux. Mon cœur battait la chamade, pourtant j’étais incapable de bouger… Comme paralysée, non pas de peur, mais plutôt de curiosité ! Le démon face à moi m’avait alors dévisagé et compris que je ne regardais pas à travers lui, mais que je le fixais. Son visage s’était figé et il avait disparu.  Je n’ai jamais su pourquoi… 

Sarah Chevalier

Les Amicaux

Les plus intéressants sont les « Amicaux ». Je n’en ai rencontré qu’un seul. Louis. Un homme décédé lors de la Première Guerre mondiale. Il est épatant, partageant avec quiconque capable de l’entendre toutes les histoires incroyables qui l’a vécu de son vivant et après sa mort.

Louis… Un fantôme, mais contrairement aux pleurnichards, il a pleine conscience de sa mort. 
Tué à l’âge de 22 ans sur un champ de bataille lors de la guerre de 14-18. Il m’a raconté plusieurs fois cette tragique histoire : l’ennemi en surnombre et très bien armé ; des obus explosant tout autour de lui ; un nuage de poussière les enveloppait lui et ses hommes, les camouflant, mais protégeant également le camp adverse. Soudain un Allemand armé d’un fusil mitrailleur Madsen apparut juste devant lui. Il a réagi trop tard, et a reçu plusieurs balles dans l’abdomen. Son meilleur ami, alerté par le bruit, a tiré et abattu d’une balle le jeune homme face à eux. Avec l’aide d’autres soldats, il a ramené Louis, inconscient, à la base. Mais les médecins n’ont rien pu faire, et la gangrène s’est installée. Il a agonisé durant des jours, avant que la fièvre ne l’emporte. Je pouvais passer des heures à l’écouter me parler de ses deux vies, humaine et spectrale. Il a vu et fait tellement de choses passionnantes. Avec le temps, nous sommes devenus très proches.

Sarah Chevalier

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