
Meurtres au paradis
- Moridan ! Léila ! Dans mon bureau !
Léila me regarda d’un air suspect, comme si j’étais la cause de la colère du capitaine…
- Qu’est-ce t’as foutu le bleu ? me cria-t-elle en coupant le moteur de notre blindé.
Elle descendit d’un bon, immanquablement suivie par ses deux monstres. Je la suivais de loin, perdu dans mes pensées à la recherche d’une erreur que j’aurais pu commettre. Rien ! Non ! Ce n’était pas moi qui étais en cause aujourd’hui ! Certainement ma merveilleuse partenaire pour son comportement irréprochable. Hier encore, elle avait failli abattre un innocent lors de notre patrouille. Un gamin qui avait survécu, je ne sais par quel miracle, au milieu de tous ces infectés. Il était dans un état épouvantable, mais bien vivant ! Un peu amoché depuis son tête-à-tête avec Léila, mais il s’en sortira.
J’entrais à mon tour dans le placard qui servait de bureau au capitaine. Il nous attendait, un cigare dans la bouche, enfoncé dans son imposant fauteuil de cuir… Un dossier ouvert devant lui. Des photos de corps sanguinolents étalées sur une pile de rapports en cours.
- B’jour capitaine ! Que nous vaut l’honneur de cette adorable convocation ? Vous avez enfin décidé de me débarrasser du bleu ? lança Léila en se vautrant dans la chaise face à notre chef.
Je me tenais droit, dos à la porte, attendant le verdict. Le capitaine ne leva même pas les yeux vers nous. Il tira sur son Habano, avant de souffler la fumée ardente et odorante sur les documents posés devant lui.
- Un meurtre au paradis, les enfants ! Et vous avez été désigné personnellement pour cette enquête, finit-il par nous avouer.
- Comment ? C’est une blague, chef ? Je ne retournerai pas là-haut ! pouffa Léila. Ce ramassis de connards me débecte !
- On ne vous demande pas votre avis. Le gouverneur ne veut personne d’autre. Vous vous souvenez sans doute de lui… Vous lui avez sauvé les miches à votre dernière rencontre, ajouta le capitaine avec un sourire pervers.
- Quelle connerie ! Fait chier ! Et lui, pourquoi il m’accompagne ? Habituellement, ils ne veulent qu’un seul enquêteur pour leur jeu de pouvoir !
La question de Léila était pertinente… Mais je connaissais déjà la réponse. J’avais identifié les lieux sur les photos, et surtout l’une des victimes… Le fiancé de ma chère sœur. Un véritable pourri… Et encore, le mot était faible !
- Vous lui dites Moridan ?
- Quoi ? Tu me caches quoi le bleu ? me cracha Léila.
- Devant mon silence, le capitaine lui confia le secret dont j’avais le plus honte… Mes origines.
- Eh bien, Monsieur Moridan, ici présent faisait partie du peuple de la bague terrestre. Et l’homme sur cette photo n’est autre que le mari de sa petite sœur !
- Quoi ? T’es un de ces connards de là-haut ? C’est une blague capitaine ? Vous le saviez depuis le début ? Je me promène dans les rues avec dans mon blindé un enfoiré de première !
- Calmez-vous Léila. Moridan est une recrue comme une autre. Il a fait ses classes sur Terre, et nous n’avons rien à lui reprocher pour le moment. Mais, comme l’affaire touche de très près sa famille, le gouverneur vous veut tous les deux sur le coup. Vous décollez dans 10 minutes, et c’est non négociable !
Léila sortit telle une furie et, sans m’attendre, sauta dans l’hélicoptère. Je courus avant qu’elle ne quitte le sol et me hissa à l’arrière. Je vins m’asseoir à côté d’elle. Elle ne m’adressa aucun regard, aucune parole… Notre relation était déjà tendue, mais là… Eh merde ! Je ne vois pas pourquoi j’aurais dû lui parler de ma famille !
Le voyage se fit dans le silence le plus total. Lorsque nous arrivions enfin sur la bague, sa splendeur me subjugua. Ses eaux calmes… Ses étendues vertes et cet air pur… À l’image de notre planète, avant qu’elle ne soit envahie et détruite. Mon cœur se serra. C’était bien l’unique chose qui me manquait depuis mon départ. Cette sérénité et beauté… Artificielles certes ! Mais si précieuses.
J’aperçus alors mon père au loin, en compagnie du gouverneur. Super ! Les emmerdes ne faisaient que commencer !
Texte de L.S.Martins